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Jakarta. Nous avions pu lire des rapports parlant de la surdensité de la ville, mais expérimenter cette densité est différent. Débarquant après cinq jours à Singapour, mégapole propre et ordonnée, la transition a été frappante. Tout  semble plus fort : odeurs, bruits, trafic, cette ville grouillante nous échappe.

 

Les paysages urbains varient d’immeubles énormes à des étendues de bidonvilles ou d’aires résidentielles informelles. Jakarta, la capitale de l’Indonésie, est passée de 150 000 habitants en 1900 à plus de 28 millions en 2010, mais l’aménagement de la ville ne suit pas le rythme croissant d’indonésiens débarquant chaque année.

 

Les Kampungs: l’expression de traditions rurales dans une ville au développement exponentiel

 

Nous avons été accueillies par une jeune architecte, Annisa Marwati Sumadi, qui nous hébergeait dans un de ces quartiers difficile à décrire par nos mots européens. Les kampungs, sont un modèle informel de développement et font à la fois référence à une typologie urbaine autant qu’une manière d’habiter. Ils sont caractéristiques du paysage de Jakarta, et traduisent à la fois la pauvreté, le besoin de logements et le désir de conserver les traditions rurales en contexte urbain. Les bâtiments sont très différents d’un kampung à un autre, et au sein d’un kampung lui même: ils peuvent être autant construits en maçonnerie, matériaux neufs ou recyclés, et peuvent ressembler à un bidonville autant qu’un quartier résidentiel plus aisé.

 

Kampung signifie en Indonésien village, et c’est d’ailleurs l’atmosphère qui y règne : tout le monde se connaît et vit avec les autres. L’ambiance est plus proche d’un mode de vie rural que celui d’une métropole moderne. Les rues font de soixante centimètres à trois mètres, de quoi laisser passer un scooter au minimum.  L’ambiance qui y règne est à la fois paisible, coupée de la circulation intense des grandes avenues, et à la fois pleine de vie.

 

Ils suivent un développement très vernaculaire, où la gestion de l’eau, des déchets et des transports se fait en organisation locale informelle, car le gouvernement n’arrive pas à suivre l’aménagement de la demande soutenue, ni à planifier une gestion globale de la ville.  Il y a un chef local, reconnu par les pères du kampung et avec qui il faut discuter pour y implanter son commerce ou toute nouvelle maison. C’est souvent d’ailleurs lui qui gère l’organisation de la distribution d’eau du quartier. Quelques habitants nous témoignent que cette organisation en village correspond à leur mode de vie et d’habiter, et nous expliquent que les nouvelles opérations de logements sociaux se heurtent souvent aux habitudes des populations, qui trouvent que ces grands immeubles ne permettent pas le fonctionnement en communauté comme il peut exister dans les kampungs.

 

 

Menandur: comment sensibiliser les habitants des quartiers pauvres au recyclage des déchets

 

Le traitement des déchets n’est que peu ou pas existant pour la plupart des quartiers de Jakarta. En effet, pour la majorité de la population, les sacs de déchets sont accumulés sur le long des espaces laissés vides, les bas-côtés de la route ou des rails, et brûlés pour la plupart à l’air libre, rajoutant un peu plus à l’air pollué de la ville. Les matériaux récupérables sont parfois repris par les populations plus pauvres pour être revendues, dans un espèce de tri informel des innombrables sacs de déchets. Nous avons rencontré Ova Candra-Dewi et Feby Kaluara, qui travaillent pour une ONG se concentrant sur le tri des déchets.

 

Les déchets organiques, qui représentent 51 à 56% des déchets locaux, ne sont jamais valorisés. L’association voudrait promouvoir d’un côté une usine de compost propre dans des kampungs existants, et de l’autre encourager les femmes au foyer,- localement appelées ibus-, à utiliser ce compost à travers la verti-culture en cultivant leurs propres légumes. Le but est d’utiliser le compost, sensibiliser les femmes de ces kampungs au tri et leur fournir des légumes organiques.

 

Pour approcher ces femmes, Ova et son équipe a dû d’abord faire connaître son organisation auprès des chefs de kampung, respectant ainsi l’ordre hiérarchique du quartier, étape nécessaire pour assurer la viabilité du projet et la confiance des habitants.

 

L’association a lancé son premier workshop l’année dernière, rassemblant une quinzaine de femmes pour leur expliquer les bases de la verti-culture: comment s’occuper des graines obtenues via des fermes organiques, comment construire son installation et trier ses déchets organiques. Pour installer les plantes, les femmes étaient encouragées à recycler bouteilles et anciens ballons, à accrocher en hauteur. Des jardinières fabriquées à partir de gouttières ont également été vendues à plus grande échelle dans d’autres quartiers, pour financer l’association.

 

Une usine de traitement du compost a également été créée. Les déchets organiques sont triés, et rangés en petits tas. Pour éviter de fortes odeurs ou le développement de parasites, l’installation doit être très propre. Ova travaille avec les employés pour développer le process de compostage des déchets, dans l’environnement humide et chaud de l’Indonésie, au sein même de la ville.

 

 

 

 

L’opération, qui a permis de mélanger ces femmes de bidonvilles à des étudiants de l’université pendant quelques jours autour de la problématique de l’agriculture urbaine et des déchets a eu un grand succès et les actions se sont reproduites à plus grande échelle dans le quartier, via le bouche à oreilles. Un second workshop sera organisé cette année. Si cette association semble être une goutte d’eau face à une problématique beaucoup plus conséquente, elle a le mérite d’aller toucher directement des habitants et une population qui ne serait à priori pas enclin à trier leurs déchets. Elle n’a peut-être pas résolu le problème de gestion des déchets de la ville de Jakarta, mais a permis de commencer à sensibiliser les populations, de manière plus durable, en leur montrant le gain direct de faire pousser des légumes. Elle permet également à des étudiants, professeurs et femmes aux foyers de se rencontrer, au delà des différences sociales et d’éducation. Elle témoigne également qu’une organisation simplement gouvernementale (top-down), n’est peut-être pas la réponse la plus appropriée dans une ville aussi vernaculaire que Jakarta.

Plus d’informations:

https://www.facebook.com/menandur/?fref=ts

https://www.youtube.com/watch?v=s2LK2XWqjO4

http://www.borda-sea.org/basic-needs-services/deswam-decentralized-solid-waste-management.html

 

Portrait: Dr Ova Candra Dewi is Indonesian, and studied both in Indonesia and Germany. She has been working in the waste sector for more than ten years, and she is now working as a Waste Management and Climate Change Strategic Manager for BEST (Bina Ekonomi Sosial Terpadu). She is also a lecturer for the Department of Architecture of the University of Indonesia.

Photos credits: Honorine van den Broek, Camille Aubourg, Menandur

Sensibiliser les femmes des bidonvilles au tri des déchets à travers la verticulture, Jakarta

 

- Aout 2016 -

#Jakarta #FermeUrbaine #Dechets #ONG

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